Sur les hauteurs de Cusset, entre champs verdoyants et vue au long cours sur le Sancy et les Monts du Cantal, s’est installée la Filature de l’Aubepierre. Lamas et alpagas y vivent en douce harmonie, tandis que leurs laines deviennent des pelotes, écharpes ou gants aux propriétés rares. Leurs éleveurs, Joëlle et Jean-Paul Corgnet, sont des entrepreneurs et commerçants passionnés, qui ont démarré ici une nouvelle vie professionnelle, après avoir créé Les Bougies de Charroux et bien d’autres activités.
Cupidon, Circée, Cassiopée, Jean-Paul Corgnet ne se trompe jamais quand il s’agit de flatter et appeler ses lamas et alpagas. Au moment de rentrer, en ce début d’hiver, ces élégantes et impressionnantes divinités à poils ne se font pas prier. « Pour les différencier, c’est simple, les lamas sont plus grands en taille et ont les oreilles en fer-à-cheval. Les autres, ce sont des alpagas. » précise Jean-Paul, le regard rivé sur ses petites merveilles arrivées sur ces terres depuis 3 ans. Une trentaine de bêtes en tout, avec des petits âgés de quelques semaines à peine, gambadant sur 6 hectares aménagés sur les 60 ha que compte le domaine. Les mâles lamas, qui peuvent peser jusqu’à 200 kg, et les mâles alpagas sont séparés des femelles et des petits, mais tous bénéficient d’un hôtel 5 étoiles pour la nuit. Et de toute façon, avec leur toison, pas de risques de morsures du froid. Une laine très prisée, notamment celle d’alpaga, qui est réputée 6 fois plus chaude que le mouton, avec en plus des propriétés hypoallergéniques. Mais si la filature transforme évidemment cette précieuse laine, l’important est ailleurs pour les propriétaires des lieux. « J’ai eu un coup de foudre pour ces animaux, en les croisant sur le chemin de Compostelle. Nous venions de vendre notre entreprise Les Bougies de Charroux à notre fils Pierre, on avait envie de trouver un truc à faire. J’ai dit à Joëlle j’en veux, elle s’est dit, je peux fabriquer des trucs en laine, on a dit banco, on y va ! » s’amuse Jean-Paul Corgnet. Il faut dire qu’en matière de création d’entreprise et d’audace professionnelle, le duo n’en est pas à son coup d’essai.
Des entrepreneurs audacieux
Joëlle et Jean-Paul Corgnet ont un parcours professionnel riche, fait d’expériences en tout genre, de travail acharné et de flair aiguisé sur ce qui plaît aux consommateurs. D’abord enseignante en région parisienne et informaticien, le couple tente un premier coup de poker en reprenant en 1992 le camping de la Roseraie à Brugheas. En 1999, Joëlle peut même arrêter son métier d’enseignante pour s’y consacrer à temps plein. « Jean-Paul est né dans une famille de commerçants, avec des parents qui tenaient une station-service, il a toujours été un bon vendeur, moi, j’ai appris au fur et à mesure. En 2007, après la vente du camping, je ne savais pas quoi faire… J’ai toujours aimé créer et j’aimais bien l’univers du parfum, alors je me suis dit pourquoi pas les bougies », se souvient Joëlle Corgnet, qui commence son atelier dans sa petite maison de Charroux. La suite tout le monde la connait, le développement d’une marque devenue iconique dans l’Allier autour de bougies colorées aux senteurs qui font voyager et aux labels engagés. Les Bougies de Charroux sont ainsi les seuls artisans français à être labellisés RAL pour les bougies, garantissant des cires pures (peu de résidus et pollutions) et des mèches 100 % coton, sans aucune trace de plomb ! « Nous nous sommes toujours partagé les missions en fonction de nos compétences, à moi la partie créative et management, à Jean-Paul la partie développement commercial » complète Joëlle. Jusqu’en 2020, Jean-Paul ouvre toutes les boutiques de la marque, tout en organisant progressivement la reprise par l’un de leur fils, Pierre. « De 2017 à 2021, Pierre a intégré l’entreprise pour la comprendre, la faire évoluer et progressivement la reprendre à l’heure où nous pouvions prendre notre retraite. C’était génial ces 3 ans ensemble, mais à un moment, il avait besoin qu’on s’en aille et de ne plus nous avoir sur le dos. C’est ça une transmission ! » commente sans détours et avec recul la cheffe d’entreprise, qui n’est pas restée longtemps sans rien faire.
Deux nouvelles entreprises
En retraite officielle, le couple décide néanmoins une activité. Ce sera donc l’élevage en 2020, puis la filature en 2021 avec l’arrivée de machines et la création de deux postes. Ces deux collaboratrices transforment la toison brute en laine prête à tricoter. « La laine des dieux ! C’est ce qu’on disait en Amérique du Sud des vigognes, l’ancêtre des alpagas » rappelle l’éleveur passionné et passionnant. Chaque année, entre avril et juin, en fonction de la disponibilité des 10 professionnels spécialisés dans les camélidés en France, c’est l’heure de la tonte. Chaque alpaga donnera en moyenne 2 kg de laine à filer, de quoi faire 3 pulls, ou quelques bonnets, écharpes, tours de cou ou gants, tous confectionnés par les doigts de fée de Joëlle. Des produits 100 % « Made in Cusset » vendus sur place ou en ligne. La filature de l’Aubépierre transforme aussi la laine pour des éleveurs de mérinos, alpagas, angoras, ou même des poils de chiens. Ces dernières années, la canicule a entraîné un manque d’herbe qui influe sur la production de laine, tout comme la chaleur tardive qui a fait reculer la production de laine des animaux. Mais le moral n’est pas entaché et ils travaillent déjà à un grand événement fédérateur, en local, autour de la laine et toute sa filière. Et vous vous dites que ça occupe déjà bien les journées ces activités ? Et bien non, ces serial-entrepreneurs ont également ouvert en franchise, la boutique Le Palais des Thés à Vichy en février 2022, avec 3 salariés. Un marché avec beaucoup de similitudes avec les bougies, autour des senteurs et du bien-être… S’ils avouent ne plus avoir l’âge des créations pures, et laisser leur équipe gérer cette activité, les deux restent à leurs côtés…
La passion de l’entrepreneuriat et des autres
Et quand on leur demande quel est le secret de la réussite, Joëlle et Jean-Paul n’hésitent pas une seconde. « Travailler beaucoup, ne pas compter ses heures et anticiper, mais aussi être toujours dans le respect de ses collaborateurs, connaître leurs tâches, savoir de quoi on parle, les accompagner, être dans l’amour des autres et de ce qu’on fait ! Ne pas se moquer des clients non plus. Commencer petit et avancer progressivement. Et puis choisir une terre d’accueil comme l’Allier. Nous avons toujours été très épaulés, soutenus, guidés, avec des aides de proximité qui nous ont permis de grandir. Ce département est à la pointe de cet accompagnement et c’était primordial alors qu’on débutait en tant qu’entrepreneurs. Oser aussi, car si on n’ose pas, on n’arrive à rien ! », une belle leçon pour ce duo soudé qui a décidé que finalement, la retraite ça peut aussi être travailler en s’amusant ou s’amuser en travaillant !
Alpagas et Filature de l’Aubepierre
Chemin de l’Aubepierre – Cusset
Boutique sur place et possibilité de visites
06 07 89 85 91
aubepierre.com
contact@aubepierre.com
Photo de une : Julien Aurand
Rédaction Bénédicte Rollet, NOTA Bene, pour les carnets économiques de Vichy Économie.
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